Pèlerinage francilien multimodal

L’avantage de ne travailler qu’à mi-temps ce sont évidemment les jours off que l’on peut meubler à sa guise, et les billets de train pas cher que l’on peut dégoter en pleine semaine. Ainsi vendredi dernier, constatant que mon emploi du temps serait vacant le lundi et mardi suivants, je me suis mise à rêver d’une virée à Paris, que j’ai organisée dans la foulée, me livrant corps et âme à l’Univers que je sais magnanime, et comptant sur la générosité de mes amies d’enfance, ainsi que leur réceptivité à ma spontanéité, prévenues qu’elles étaient à la dernière minute de ma visite inopinée qui tombait à cheval sur un week-end et des jours de semaine.

En effet, à part un déjeuner calé avec Flore le lundi, je ne savais, en réglant mes billets de train, ni qui j’allais réussir à voir, ni où j’allais passer les trois nuits de mon bref séjour, mais ma foi a été récompensée puisqu’en quatre jours à peine, je suis parvenue à rendre visite à mes cinq meilleures amies d’enfance : Camille, Flore, Estelle, Ariane, et Elise, par ordre décroissant d’années d’amitié.

Le week-end avait commencé sur les chapeaux de roue à Montpellier, avec la délicieuse Santa Milonga d’Erna, qui nous avait tenu éveillés jusqu’aux petites heures du matin le samedi, une grasse matinée, des pancakes maison, un beach volley avec les cocos suivi d’une baignade revigorante avec Thomas dans une mer à 12 degrés, un déjeuner tardif et une présentation de notre voyage à la Salle des Cistes devant une cinquantaine de membres de l’APC de Carnon, de laquelle il avait fallu que je m’éclipse, manquant et la galette et la sociabilisation avec les autres plaisanciers, pour me faire accompagner à la gare par Nada (cf. Improbable !) et sauter dans le TGV OuiGO direction Paris.

Ma courte nuit de la veille et les trois heures et quelques du voyage n’ont pas entamé mon désir de maximiser mon escapade parisienne : j’étais parmi les premières à sortir du train, et malgré le choc du gradient de température saisissant entre Montpellier et la capitale, bien décidée à ne pas trainer dans les transports en commun et me trouver un Vélib’ pour me rendre, premièrement Place Monge récupérer les clés du studio d’Elise laissées chez sa tante Marie-Jo, puis audit studio, Place d’Italie, me rafraichir d’une douche éclair avant de filer illico presto à la milonga La Conviviale, que j’avais identifiée à deux pas de là. Un peu déroutée d’abord par le lieu insolite où était organisée le bal et la foule d’inconnus qui le peuplaient, il n’a pas fallu longtemps avant que je me fasse inviter, notamment par un jeune homme à l’allure singulière, pas très grand, veste de costard, jean, chevelure brune et ondulée presque plus longue et fournie que la mienne, dont le tango, précis et moelleux m’a tellement plu que je l’ai à nouveau sollicité en fin de soirée pour avoir du rabe.

Après quoi, je m’en suis retournée dans la nuit noire et glacée, emmitouflée dans mon grand manteau rouge et de mes gants noirs, juchée sur des bottes à talon périlleuses, prenant soin de ne pas glisser sur les plaques de verglas qui ponctuaient mon chemin, jusqu’à ce que je réquisitionne une trottinette abandonnée sur le trottoir et accélère mon retour au chaud, sous les couvertures, repue.

Dimanche, nous avions convenu avec Camille de nous retrouver à Saint-Lazare pour un resto et une balade à Montmartre, mais après de multiples hésitations, j’ai finalement fait le déplacement jusque chez elle à Triel, ce qui m’a permis de voir sa maison, ainsi que son compagnon et son ainée, ses deux jumeaux étant à un anniversaire chez un copain. Autant dire qu’après un réveil pour le moins tardif, je n’ai pas trainé pour boucler ma valise, enfourcher un Vélib’ jusqu’à la gare (40 minutes de vélo à slalomer parmi les joggeurs du dimanche qui avaient investi les quais de Seine au petit trot) puis sauter dans le train de banlieue pour arriver chez elle à temps pour le déjeuner dominical. La neige était plus abondante en banlieue, des plaques de verglas tapissaient les rues à l’ombre et alors que je marchais précautionneusement vers mon but, mon humeur oscillait entre hâte de revoir ma copine, et nostalgie, en dépassant l’Espace Remi Barrat, où j’avais tant dansé avec Frédérique Laillet, jusqu’en prépa, où j’empruntais, depuis Saint Louis, ce même trajet tous les jeudis soirs, passant pas moins de trois heures aller-retour dans les transports pour me rendre à mon cours de danse hebdomadaire salutaire (nous préparions à l’époque une longue chorégraphie sous le regard expert de Charles Créange).

Avec nos bavardages le déjeuner s’est éternisé, et vers 16h30 alors que nous finissions tout juste le café, il a bien fallu se mettre en route vers ma prochaine étape, soit Auvers-sur-Oise. C’était très étrange d’emprunter les chemins de mon enfance et reconnaitre le carrefour de Boisemont, où Papa avait eu un accident de voiture, le château d’eau de Courdimanche, et la friche où se dressait autrefois le parc d’attraction Mirapolis, détruit au début des années 90, et dont le gigantesque Gargantua fut dynamité en 1995. Je notais ces lieux certes familiers, mais sans résonance, comme empruntée du vague souvenir d’un film que j’aurais visionné il y a fort longtemps, tentant vainement de retrouver une émotion qui aurait du surgir mais ne venait pas.

Après un saut à la Milonga Ramon pour un rapide coucou à l’ex-mari d’Estelle, et une tanda avec celui qui m’avait initiée au tango à Salta voilà presque huit ans, j’ai rejoint mon amie, moyennant trente-cinq minutes de marche en suivant la longue avenue Charles de Gaulle. La soirée fut courte avec Estelle, qui bossait le lendemain et devait attraper un bus à la première heure, mais nous avons toutefois eu le temps pour une mise à jour sommaire de nos vies respectives autour d’une tisane accompagnée de tarte tatin, mise à jour d’autant plus courte que nous n’avons jamais cessé de nous parler très régulièrement au téléphone.

Au matin, j’ai regagné Nanterre Préfecture par un combo bus + RER sous un temps crachineux et ai trouvé la gare de Cergy Préfecture bien sinistre avec ses murs tout gris, eux qui étaient autrefois couverts de graffitis colorés et permettaient d’attendre le train comme au musée. Heureusement, au Sancerre, une table était réservée près de l’entrée, le ciel s’était dégagé et j’ai pu profiter de la lumière de la grande baie vitrée, si typique des brasseries françaises, pour travailler sur une correction de biographie avant que Flore ne me rejoigne. Là encore le temps nous a manqué pour tout nous raconter, et rattraper les six années depuis que nous nous étions vues pour la dernière fois, mais ce n’est que partie remise.

J’ai ensuite eu le loisir de rentrer à Paris en métro + vélib’ et m’installer au Salon de Thé de la Grande Mosquée de Paris, humant les odeurs de savon noir me narguant du hammam, et me rappelant les séances de massage entre amies, du temps de ma prépa parisienne. J’ai continué mon travail de correction avant de retrouver Elise dans un café moins bruyant. Avec elle, qui était déjà venue me voir à Carnon (deux fois !) depuis notre retour, moins d’urgence, mais l’heure que nous avons passée ensemble était également bien trop courte.

Toutefois j’étais appelée dans le vingtième pour ma dernière visite de ce séjour, chez Ariane et Olivier, et leurs petites Iris et Cléo. Nous avons, ensemble, regardé la Tour Eiffel scintiller à heure pile depuis le balcon de leur appartement au douzième étage, discuté du bon vieux temps, de l’éducation de nos enfants, et de la redondance de M. Oumar dans leur collection d’affichettes de marabouts africains patafixées sur le mur des toilettes, avant que je m’endorme sur le divan de psy de feu la grand-mère, reconverti en lit d’appoint. Le lendemain j’ai pu voir de près une vraie école maternelle parisienne en y déposant les petites. Et puis j’ai galéré à trouver un dernier Vélib’ en bon état pour dévaler le Boulevard Belleville, celui de Ménilmontant, la rue de la Roquette, la rue du Faubourg Saint-Antoine, la rue Crozatier, la rue de Cîteaux, le Boulevard Diderot, l’Avenue Daumesnil, puis la rue Guillaumot, jusqu’à la Gare de Lyon. Dernier arrêt dans un bistrot pour attendre le train en continuant ma correction en sirotant un Earl Grey. Même si ça me démangeait, pas lavée, et mal fagotée, je n’ai pas osé le Train Bleu toute seule (et son thé à 10,50 EUR). Il va falloir que j’y retourne. Qui m’aime n’hésite pas à m’y inviter !

Quatre jours, cinq amies d’enfance, dix modes de transport (TGV, pied, vélib’, trottinette, train de banlieue, voiture, bus, RER, métro, ascenseur), ce pèlerinage décathlonesque, quoiqu’éreintant, m’a comblée de joie et de plaisir de revoir ces visages et décors si familiers, de prendre la mesure du temps qui passe mais des amitiés qui persistent. Pourtant, en reprenant le train vers Montpellier, j’arborais le sourire béat de celle qui rentre « chez elle », avec la double satisfaction de savoir que deux de mes amies revenaient me voir le weekend suivant (surprise d’anniversaire orchestrée par Thomas qui avait vendu la mèche à l’annonce de ma virée impromptue afin de m’aider à prioriser mes visites.)  

Vivement samedi pour une nouvelle célébration des amitiés durables!

4 comments

  1. Salut Hélène! J’espère que tu vas bien, ça me ferait plaisir de te voir aussi depuis le temps, je n’ose même pas compter les années!!!

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