France, accostage en douceur

Il y a quinze ans, je me suis installée en Nouvelle-Zélande avec le rêve de retourner en France en bateau. Ce rêve est resté en suspens pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’il soit ravivé, au hasard d’une séance de coaching fortuite, pour laquelle j’accompagnais une amie, abordant les Rêves Impossibles.

Aujourd’hui, 510 jours après notre départ d’Auckland le 2 mai 2022, nous sommes arrivés en France continentale après la dernière étape au large de notre demi-tour du monde, de Calvi en Corse, à Port Cros, la plus sauvage des îles d’Or d’Hyères. Une traversée en douceur commencée avec 20-25 nœuds de vent au portant, qui a progressivement diminué jusqu’à s’absenter carrément aux deux tiers du trajet, nous obligeant à continuer au moteur à partir de 2 heures du matin, sur une mer d’huile et sous un ciel étoilé infini où Zéphyr a distingué de nombreuses nouvelles constellations grâce à notre livre de chevet “Seeing stars”.

L’atterrissage s’est fait en douceur car nous avons quitté une île paradisiaque pour en retrouver une autre. Les immortelles nous avaient précédés (voir article à venir) sur le sentier ombragé et immaculé qui entoure l’île (car, notamment, il y est défendu de fumer, halleluijah !) que nous avons suivi allègrement, de Port Man à la Plage de la Palud, où nous nous sommes ensuite laissé guider sur le sentier sous-marin par les panneaux immergés signalant les différentes espèces de la faune marine qui nous ont réservé un accueil coloré sur notre terre natale.

Pas de fanfare, donc, mais des bancs entiers de saupes avec leurs bandes horizontales bleues et jaunes jouant dans les posidonies, de grosses daurades royales et de sars à tête noire impassibles lévitant dans les courants froids, de girelles fluorescentes, de castagnolles (ou hirondelles des mer) par centaines, un serran écriture suspendu à l’envers près des rochers, deux apogons rouge vif cachés sous un autre, un chapon et une murène dissimulés entre les fissures, et quelques délicates méduses à rayures violettes empêchant les nageurs les moins téméraires de se baigner et nous obligeant à rester aux aguets pour éviter une piqûre.

Sur la plage, nous avons également rencontré un groupe d’amis en croisière à bord de leur bateau Panarea, à qui j’ai proposé de prêter notre matériel de snorkeling, trouvant dommage qu’ils aient oublié le leur au bateau et ne profitent pas pleinement de cet endroit magique. Nous avons bavardé un moment, et c’était formidable de sentir une touche de fierté dans leurs yeux admiratifs pendant que nous racontions notre voyage.

J’avais naïvement pensé, au début, que nous nous mettrions d’accord sur une date et un port d’arrivée officiels où nous serions accueillis à bras ouverts par des visages familiers, mais je comprends maintenant que nous avons mal choisi notre timing, que tout le monde est occupé à terminer ses vacances ou à se préparer à retourner à l’école ou au travail, et que nous devrons bientôt, nous aussi, faire face à la dure réalité, notre rêve s’estompant derrière nous comme un lointain souvenir.

Heureusement, il me reste encore quelques photos à trier, des articles de blog en retard à rédiger et des vidéos à éditer pour garder un souvenir impérissable de cette merveilleuse aventure, mais je ne peux pas nier que je panique un peu à l’idée de l’après. En plus de yolo, j’aimerais proposer un nouvel acronyme : yocbo « You only come back once ». Espérons donc que nous trouverons bientôt l’énergie nécessaire pour organiser une fête et célébrer notre retour en beauté !

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