Le miséricordieux détroit de Malacca nous a permis de naviguer dans ses eaux redoutables sans drame. Ou sans drame majeur, devrais-je préciser. Il y a tout de même eu une marre de déchets traversée de nuit au large de Pulau Rumbia, avec toutes sortes d’objets non identifiés frappant notre coque avec de gros bangs qui m’ont réveillée alors que je n’étais pas de quart pendant la seule navigation de nuit que nous avions choisi de faire. Et l’épisode du filet de pêche de nos copains sur Brule-Vent qui, le matin, était ancré beaucoup plus loin que la veille. Tôt le matin, ils s’étaient retrouvés à dériver dans l’obscurité, pour se rendre compte que leur bateau était enmêlé dans un filet de pêche. Il était 5h30 et à peine avaient-ils coupé le filet dans une tentative (ratée) de se libérer, qu’un bateau de pêche s’est précipité pour demander une grosse somme en guise de compensation. Comme on nous avait prévenus, c’était une arnaque courante dans cette région. Nos amis ont réglé partiellement la facture mais ont dû plonger pour se débarrasser entièrement du filet qui était toujours pris dans leur gouvernail ou leur hélice. Les pêcheurs ont apparemment été impressionnés par Pascal, la soixantaine bien avancée, qui effectuait cette opération de nuit, et ont exprimé leur gratitude en partant. Goût doux-amer, celui de la reconnaissance par des gens malhonnêtes.
Pas de drame donc, si l’on considère qu’à un moment donné j’ai compté cinquante lumières nous entourant, entre feux de navigation, bateaux de pêche et cargos. Il semble que le destin ait décidé que nous avions déjà eu assez d’orages, éclairs quotidiens et de grains sortis de nulle part (Sumatras) en Indonésie, et notre lot de dégâts sur le bateau. En effet, une nuit, en passant le relais à Thomas, je lui ai expliqué que je venais de dérouler entièrement notre génois, heureuse que le vent se soit finalement levé et stabilisé à 12 nœuds. Mais cet air annonçait en fait un grain bref mais violent qui ne nous a pas laissé le temps de prendre un ris sur la grand-voile, car le speedo a affiché 18 noeuds, puis 50 en quelques secondes et le temps que la grand-voile soit affalée, elle avait à nouveau deux longues déchirures qui faisaient peine à voir le long du guindant.
C’est ainsi qu’en Malaisie, notre grand-voile déchirée, que des averses régulières nous empêchaient de réparer, était toujours hors service, et il ne nous restait que le génois pour tirer parti des surprenantes conditions de vent arrière que nous avions dans le détroit. Nous avons donc boité du mieux que nous pouvions, heureusement poussés par un courant porteur satisfaisant, et les 470 miles nautiques du port de Puteri à Langkawi ont été couverts en 12 jours de navigation au moteur plutôt facile avec des arrêts à Pulau Pisang, Tanjung Tohor / Muar, Melaka, Port Dickson, Pangkor, Pulau Talang, Pulau Rimau, Penang, et Telur Dayang Bunting (voir carte), incluant une navigation de nuit (shuntant Port Klang et KL) et quelques expéditions touristiques, un jour à Malacca, deux à Penang, et un arrêt de maintenance à Pangkor pour se réapprovisionner, réparer notre grand-voile avec quelques morceaux de bâche collés avec du Sikaflex, souder la fissure sur notre bôme, et dire au revoir à Pascal & Marie-Laure qui laissaient leur bateau à Pangkor pour explorer la Thaïlande à pied pour les fêtes de fin d’année.
Nous avons continué et fêté Noël à Langkawi avec WOLO, avec un smorgasbord de délices français et allemands. Les enfants étaient heureux d’avoir une copine (certes plus jeune) et nous étions heureux de laisser le détroit de Malacca essentiellement derrière nous et les longues journées sans baignade dans les eaux troubles peu engageantes et infestées d’une multitude de méduses. Nous étions impatients d’atteindre la Thaïlande et ses eaux paradisiaques !
