Ubud, au nom de l’amitié

“Maman, il y a quelqu’un pour toi !” Quel plaisir d’entendre ces mots, sachant que Zéphyr parlait sans doute de Juliana. Comme ces mots sont agréables et presque étranges, après plusieurs mois passés en isolement dans notre cocon familial, d’être attendu par quelqu’un. Mes yeux se sont gonflés de larmes de joie. Oui, au milieu de nos pérégrinations maritimes, nous pouvions encore réussir à retrouver de vieux amis, et c’est ainsi qu’au milieu de la folie touristique d’Ubud, mon amie Juliana, que j’avais rencontrée à Montréal il y a plus de quinze ans, qui était devenue balinaise depuis trois ans, juste après que je l’ai vue pour la dernière fois en Nouvelle-Zélande, dont elle s’était évadée in extremis avant que tout le pays ne soit confiné, et qui était sur le point de s’envoler le lendemain pour l’Afrique du Sud, était ici, à notre hôtel, Sania’s House, pour me voir.

Je me suis précipitée en bas et l’ai soulevée de bonheur. À part une nouvelle coiffure, elle n’avait pas changé. Toujours ce style bohème très classe qui est le sien, portant une grande chemise blanche de lin avec manches retroussées, une série de bracelets en argent et de grandes créoles aux oreilles. Nous nous sommes mis à parler de tout et de rien, aussi vite que possible, pour rattraper le temps perdu et couvrir les trois années où nous avions à peine suivi ce que nous faisions l’une l’autre chacune de notre cote. Entre-temps, au milieu de ce flux continu de questions et d’exclamations, nous avons décidé de trouver un petit warung pour déjeuner ensemble. Ubud devenait très étouffant avec la pluie qui menaçait de nous arroser à tout moment, et après avoir tourné au hasard à gauche, puis à droite, puis à nouveau à gauche dans les ruelles, nous avons atterri au Warung Biah Biah, juste à temps pour observer la grosse averse, abrités dans un coin de ce restaurant local simple mais accueillant. Nous avons résumé notre voyage à la voile jusqu’à présent, expliqué comment nous avions laissé Obélix pour quelques jours à contrecœur au mouillage à Lovina, sous la garde distante d’un collègue marin rencontré la veille qui nous avait assuré que les vents du nord étaient encore rares et ne s’étaient produits que deux fois au cours des 6 dernières semaines qu’il avait passées là-bas, mais avec qui nous avions oublié d’échanger nos coordonnées, dans notre précipitation à prendre un taxi pour Ubud.

Elle nous a décrit la vie à Bali, les innombrables offrandes quotidiennes qui occupent les Balinais, le privilège d’avoir eu, pendant le Covid, la quasi exclusivité des meilleurs endroits de l’île, plages et temples confondus, dépourvus de touristes, et nous a informés de son prochain projet, le tournage d’un documentaire sur un bateau d’expédition le suivant de l’Antarctique aux îles Galapagos. Nous avons partagé les moments forts de notre séjour à Ubud jusqu’à présent, comme le fait d’avoir été choyés par un massage de bienvenue à l’hôtel et notre longue marche sur la crête de Bukit Campuhan le matin même, récompensée par un petit-déjeuner gourmand (avec glaces, café glacé et jus de fruits frais) avec vue sur la jungle, au Warung Bukit Sari. Nous avons partage notre pietre opinion de la valeur artistique du spectacle de danse Kecak offert aux touristes, dont les dix premières minutes pouvaient impressionner mais qui devenait assez ennuyeux pour le reste de l’heure s’il ce n’etait pour les costumes exubérants et l’élégance des danseurs. Nous avons évoqué nos amis communs, l’exil, les ouvre-bouteilles et autres souvenirs évocateurs rappelant le Butan vendus sur le marché à propos desquels nous n’avions osé nous enquérir ni l’une ni l’autre (mais qui avaient interloqué Azur au point de soulever cette question plutôt pertinente “Pourquoi doit-on se couvrir les bras et les jambes alors qu’ils vendent des pénis dans les rues ?”) et l’état préoccupant du monde entre catastrophe climatique, inflation mondiale et guerres qui jettaient une ombre sur nos vies par ailleurs passionnantes.

Et une noix de coco fraîche servie avec du citron vert et de la glace, bue à l’aide d’une paille en bambou naturel, du nasi campuh, du mie goreng ayam et du sate plus tard, nous étions prêtes à faire nos adieux et à parier sur notre prochain pays de retrouvailles, Dieu sait quand. Dommage qu’elle ait dû faire ses valises et qu’elle n’ait pas pu me rejoindre pour une soirée salsa ou tango, quelques selfies (pouvait-elle croire que j’avais été initiée aux selfies peu après la naissance d’Azur par un ami commun qui faisait alors le tour de la Nouvelle-Zélande !?) et elle enfilait son casque, me soufflant un dernier baiser depuis son scooter de location avant de s’en aller.

Il y a quelque chose de tellement satisfaisant dans le fait de rencontrer de vieux amis, la continuité et la validation que cela procure lorsque nous sommes toujours sur la même longueur d’onde. Et j’aurais aimé que nous puissions goûter ce même plaisir en rendant visite à notre ami Puck à Nusa Lembongan, mais les vents, les courants et les orages n’étaient pas de notre côté, et nous avons fini par jeter l’ancre à Amed et à Lovina uniquement, comme la plupart des marins qui traversent l’Indonésie avec un planning serré.

Pourtant, notre escapade à Ubud compte sans aucun doute parmi nos meilleurs souvenirs en Indonésie, où nous nous sommes imprégnés de la palette de couleurs balinaises, de son architecture complexe, de sa culture édifiante et de sa gentillesse légendaire, et où nous avons rencontré une ami chere (après en avoir fait de nouveaux, une famille de Français établie à Bruxelles rencontrée à Amed lors d’une aventure sabbatique de 6 mois dans 6 pays).

À Bali, et au fait d’honorer l’Amitié et de créer du lien dans le monde entier !

Published by Salome

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