Sur la trace des varans de Komodo

Brandissant ma pagaie de kayak, prêt à me défendre, je me dirige vers la forêt. Jambes tremblantes et cœur battant, comment ne pas être intimidée alors que je suis seule sur la plage où, une minute plus tôt, un dragon de Komodo se promenait le matin avant de se retirer dans le buisson d’où il est venu. Je n’ai pas une ligne de vue claire à cause de la petite dune de sable qui bloque la vue. Est-il parti pour de bon ou m’attend-il juste derrière, prêt à attaquer ? Est-il risqué de faire un pas de plus ? Et un autre ? Courageuse ou inconsciente, je passe la dune sur la pointe des pieds, jusqu’à ce que je le voie. Caché dans le feuillage près d’un tronc d’arbre, je pourrais facilement le prendre pour une branche morte.

La veille nous étions partis en reconnaissance avec Thomas mais n’avions vu que des empreintes de pattes griffues et queue trainante, ainsi que des excréments.

Ce sont les autres, qui m’ont finalement rejoint, Thomas et les enfants, bientôt suivis des Cruising Kiwis, qui réalisent que l’autre forme brun-grisâtre couchée sur le côté est un autre dragon de Komodo plus petit. Tôt ce matin-là, je faisais ma série de saluts au soleil sur le pont lorsque j’ai aperçu une forme sombre se déplaçant le long de la plage (au large de Rinca, en face de Lehok Uwada Dasami à Nusa Kode dans le Sud, surnommée à juste titre Dragon Beach) et il n’a pas fallu longtemps pour que je confirme mes soupçons avec les jumelles et que je prévienne tout le voisinage (composé de nos deux bateaux, Obélix et Javelot), en criant à tue-tête “Dragon ! Dragon ! Dragon !” en pointant du doigt le lézard errant et en préparant en même temps mon kayak pour une expédition en solo, impatiente de m’approcher sans avoir à attendre que les autres soient prêts.

A leur arrivée, certains pensent que nous avons interrompu leur accouplement. Je ne suis pas une experte, mais si c’est le cas, ils ont une manière très méditative, voire placide, de le faire. Le dominant (sur l’autre) s’en va finalement, tirant la langue à chaque pas, certains diraient avec dégoût, tandis que l’autre dragon, plus petit, s’enfonce dans la forêt.

Heureusement pour nous, le plus grand s’attarde, ce qui nous permet de bien l’observer et, s’il nous restait des piles dans l’appareil photo, de prendre une bonne photo. Il a une peau ridée et écailleuse et un goitre sous sa bouche qui gonfle à chaque respiration. Parfois, il tourne la tête vers nous, prenant un air de défi qui rend Azur nerveux et nous supplie de nous retirer, insistant sur le fait que c’est le matin, le moment de la journée où les dragons sont les plus actifs et cherchent généralement de la nourriture. On lui répond que neuf humains contre un dragon, nous avons l’avantage, et qu’il n’oserait pas nous attaquer, même si, au fond, on n’en est pas certains.

Après quelques minutes, notre dragon met fin au débat en se retirant nonchalamment dans la forêt. Et le rideau tombe sur l’épisode des dragons.

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