Obélix a atterri en Terra Indonesia. Voici quelques premières impressions sur la capitale de Nusa Tenggara Est (une des 34 provinces de l’Indonésie) :
La lune résiste dans le ciel malgré l’apparition du soleil derrière les poteaux électriques et autres structures métalliques artificielles qui jalonnent la ligne d’horizon basse de l’île et qui nous rappellent que nous sommes arrivés dans une agglomération urbaine, contrairement aux îles aborigènes désertes que nous avons croisées au nord de la terre d’Arnhem dans la mer d’Arafura.
Trois bateaux de pêche en file indienne remontent le détroit comme un spectacle d’ombres chinoises sur fond de lever de soleil.
L’eau calme est jonchée de détritus qui flottent devant nous, sacs en plastique, bouteilles, boîtes de conserve, rondins, et des volées de petits oiseaux qui les grignotent comme des pigeons d’eau.

Des cargos qui attendent leur tour ou qui se dirigent vers le port d’embarquement en bougeant à la dernière minute pour dévier de la trajectoire de collision.
Les apprenties officiers de quarantaine, toutes des filles, découvrant les avantages de leur futur métier, mangeant des bonbonx sur Obélix, riant quand elles sont prise de nausée en s’appliquant à remplir des formulaires, transpirant dans leurs pantalons longs et leurs vestes d’uniforme jaune d’or à manches longues, parfois avec un couvre-chef, dans un cockpit bondé avec pas moins de six officiers, Thomas et moi.

Des agents des douanes en uniforme bleu marine m’obligent à ouvrir ma trousse médicale offshore et à l’inspecter soigneusement, à lire l’ordonnance NZ, à prendre des photos de tout avec zele.
Des bâtiments en béton délabrés récupérant le front de mer à côté de globes et de bancs en fonte et en bois flambant neufs pour admirer la vue.
Des habitations sur des habitations, sur des habitations qui parsèment le littoral, encore plus impressionnantes la nuit, créant un tableau impressionniste de lumières.
Petite “plage” préservée au milieu de la jungle urbaine, où l’accostage de l’annexe équivaut à mettre les pieds dans une poubelle liquide où des locaux torse nu, réfugiés à l’ombre de tas de béton délabrés, nous accueillent, nous aident à accoster et prennent soin de notre semi-rigide en échange de quelques (milliers de) roupies. L’équivalent des laveurs de vitres de voitures aux feux de signalisation, je suppose. Comment appelle-t-on le fait qu’on nous demande de payer pour des services que nous n’avons pas demandés ?

Les agents locaux en rang d’oignons à notre arrivée pour proposer leurs services.
Des mini-fourgonnettes colorées (bemo, prononcez bee-mow) conduisant avec les fenêtres et les portes ouvertes et appelant les touristes lorsqu’elles sont vides.
Des petites échoppes cachées à l’ombre des grands immeubles, vendant des rangées de mangues de toutes formes et couleurs et d’autres petites quantités de fruits et légumes.
Un bar-restaurant 999 bien rangé, avec une batterie et d’autres instruments installés sur une scène, et ses fauteuils noirs en pneu recyclé.

Dès le premier jour, on se laisse entraîner dans le drame du pays, on se sent obligé de faire des semi-promesses pour visiter tel ou tel endroit parce que les habitants que l’on rencontre en sont originaires et nous jurent que ce sont des lieux incontournables. Labuan Bajo, par exemple, le Bali d’il y a 30 ans, avant qu’il ne soit infesté de touristes occidentaux qui ont transfiguré cette île autrefois si traditionnelle et culturellement diversifiée, Pink Beach, ou l’île Pandar.
Notre agent déclare “c’est l’heure du karaoké, nous l’appelons l’heure du karaoké”, puis explique que 80% de la population de l’île est de confession catholique ou protestante, son commentaire sarcastique trahit qu’il est en porte-a-faux avec l’appel à la prière provenant du phare qui fait office de minaret à côté.

Thomas est revenu victorieux après un marathon administratif de 9 heures à travers la ville pour remplir les formalités de dédouanement avec l’aide de notre agent de dernière minute Frenky Charles. Il a essayé de rationaliser tout cela, en écrivant toutes les étapes nécessaires pour accomplir le processus, mais pour moi, cela ressemblait à de la folie, avec cinq endroits où il fallait se présenter (Quarantaine, Douane, Immigration, Banque pour le Visa à l’arrivée, Harbour Master), chacun étant visité au moins deux fois, voire trois, et pas moins de vingt documents (parfois en plusieurs exemplaires) tous tamponnés par le bureau en question et le tampon officiel d’Obélix. Apparemment, c’était tout un exploit de réaliser tout cela en un jour, alors, à court d’énergie pour aller à terre dans un restaurant local, nous avons fêté ça avec des nouilles instantanées !

Il est difficile de croire que nous sommes déjà en Indonésie, mais il suffit de tendre l’oreille ou de jeter un coup d’œil par le cockpit pour se rendre compte qu’il n’y a pas photo, nous sommes en Indonésie.