Nerveuse comme une étudiante avant un examen important, ou plus exactement excitée mais redoutant LE moment où les choses se mettent en place et où je suis sur le point de donner naissance au rêve de toute une vie. J’ai suivi les classes antenatales, j’ai recueilli les conseils de tous ceux qui l’ont fait avant moi, et pourtant, je suis démunie avant de me lancer dans ma propre expérience, inconnue et unique, de première traversée océanique. Je vais enfin affronter mes démons, et suis prête à être secouée par les vagues océaniques massives, à perdre le contrôle et me sentir misérable. Tout comme mon corps a été secoué contraction après contraction lorsque le moment est venu pour Zéphyr de débouller. Sauf que l’accouchement n’a duré que 10 heures, alors qu’ici, j’en ai pour 10 jours ! Je peux sûrement le supporter. Je pensais avoir atteint, avec l’accouchement naturel, le summum de l’effort humain, et j’ai bien peur qu’on ne me prouve le contraire. Et je vais renouer avec l’état de zombie privée de sommeil des premières semaines après la naissance, je suis passée par là. Sauf que cette fois, c’est le bébé qui me bercera, et non l’inverse !
Et si je panique au milieu de nulle part, entourée de vagues plus grosses que des camions ? “Maman, on ne sera pas au milieu de nulle part, on sera au milieu de la nature”, rétorque Azur, sa façon à lui de me rassurer.
Heureusement, la curiosité surpasse la peur. Et je veux savoir à quel point j’aurai peur de ces grosses vagues et de ne pas avoir de terre en vue. Et quelle odeur a la terre quand on s’en approche après des jours en mer. Et si nous parviendrons à nous arrêter à Minerva Reef et à observer un coucher et un lever de soleil ancrés au milieu de l’océan. Et quelles créatures marines nous escorteront sur notre passage. Et comment nous ferons pour nous débrouiller tous les quatre dans un si petit espace. Et combien de temps il me faudra pour m’habituer au mouvement de balancier et passer l’état de larve amorphe. Et si je serai capable d’accepter l’idée de pêcher ou si elle me répugnera. Et si nous décidons de pêcher avec le kit de peche “Fishies Beware” offert par Gaspar, si nous attraperons quelque chose. Et si j’arriverai à faire notre fameux crumble familial alors que nous serons sur le point d’arriver à destination. Je veux savoir ! Cette facette de moi, et cette facette de la vie, habituellement si bien cachée dans notre confortable existence urbaine.
Notre dernier jour à la marina ressemble à un bis repetita de notre faux départ de la semaine dernière, lorsque les choses semblaient trop précipitées et que, de toute façon, j’avais cette putain de fraude à gérer. Beaucoup d’administration, de lessive, d’appels aux amis et à Met Bob pour revoir les plans, regarder les enfants construire une bibliothèque d’animaux en Lego pour leur tenir compagnie et nous montrer fièrement leur cabine impeccablement rangée pour la traversée. Notre cuisine est pleine de fruits frais et de repas pur la traversée, notre cockpit est rempli de crackers, de biscuits, de compote de pommes, de sacs de noix et de bouteilles d’eau pour minimiser le besoin de descendre dans la cabine pour se sustenter, notre salon est en mode navigation avec tous les casiers sécurisés et la table du carré convertie en lit double, tous les appareils et les batteries de rechange chargés, la table à cartes rangée avec la carte marine papier Nouvelle-Zélande-Fiji déployée. Nous venons de passer la douane (avec un léger retard car ils avaient fait une double réservation). Nous avons eu notre briefing familial. Je pense que nous sommes prêts.




Pas d’autre objectif que de survivre, de ne pas s’entretuer et d’apprécier le voyage avant la destination 🙂
Nous sommes en route, souhaitez-nous bon vent et bonne mer ! ⛵ 🌊