La boucle est bouclée

Ça fait un an pile ? Mais il faut célébrer, alors ! s’exclame Azur à qui je viens de rappeler qu’il y a un an jour pour jour nous arrivions dans le port de Carnon sous une brume épaisse (un cadeau du ciel pour nous dissimuler ces barres d’immeubles infâmes auxquelles je ne m’habitue toujours pas), après une longue journée à flotter dans une grisaille homogène et sans horizon, depuis Marseille vers notre nouvelle vie.

Une vie avec des obligations de se rendre à l’école, au collège ou au boulot, une voiture pour se véhiculer, des activités régulières et toute une routine bien rôdée à faire flipper plus d’un aventurier. Evidemment, trois-cent soixante-six jours plus tard (année bissextile oblige, comment pourrais-je oublier), après avoir tenu les soupirs à l’écart aussi longtemps que possible, c’est le vertige des bilans.

Ce que je regrette le plus de ma vie d’avant : ne pas pouvoir me pointer chez une copine, inopinément, pour siroter un thé et ouvrir la soupape de décompression. Les invitations locales chez les uns et les autres se comptent sur les doigts de la main, une paire de fois chez un ex-collègue de Thomas, pareil chez une copine de tango et de Plumes de Vies, cinq ou six chez des camarades de théâtre pour répéter, et c’est à peu près tout. Ah si, une invitation déclinée, car trop loin en semaine de boulot, et j’ai bu un coup avec un copain à la terrasse d’un café. Mon choix de Perrier-Violette l’a laissé coi. Et je me suis incrustée à dormir chez une copine de tango après une sortie au Pont du Gard, pour épargner à notre chauffeur, le copain du perrier-violette, le détour par Carnon à deux heures du matin.

Ce que j’apprécie le plus : La persistance des liens familiaux et amicaux, entretenus à coup d’allers-retours réguliers, sinon fréquents, entre la Nouvelle-Zélande et la France, ragailliardis cette année par la relative proximité, les reprises de contact plus inattendues qui semblent me recoudre à une partie de moi-même, laissée sur le bas-côté de la bande d’urgence de vivre, merci Béné, merci Hélène, merci Marie, merci Isabelle, merci Etienne.

Et pouvoir danser, danser, danser jusqu’à l’ivresse. Pas jusqu’à plus soif, rien n’étanche ma soif de danse ! Salon du tango. O’liver Pub. GAM. Temple de la Danse. Tendresse. Milonga del Angel. Espace Adages. Manzanillo Libre.  Loft. Maison du Tango. La Conviviale. Café de la Paix. La Parisiana. Opéra-Comédie. Agora Cité de la Danse. Centre culturel Janson de Fabrègues. Auberge de jeunesse d’Arles. La Cave d’Aubais. Rues de Villeneuve-Les-Maguelone. Arc de Triomphe de Montpellier. Esplanade du Peyrou. Place Henri Kracucki. Villanueva Tango. Musée Fabre. Place des Tonneliers. Artango-Cosmos. Salle des Casernes d’Anduze. Parc du Lac du Crès. Pont du Gard. Port de Dahouët. La Grange Causse de la Selle. Place Albert Ier (et bientôt le toit du Corum pour une leçon de danse dirigée par Mathilde Monnier). Pas moins de trente-cinq lieux visités, soit presque un lieu toutes les semaines, pour le simple plaisir de se trémousser, sans nécessairement connaître qui que ce soit a priori, mais ne finit-on pas toujours par s’acoquiner avec les fidèles ? J’ai déjà l’impression de faire partie des meubles.

Si l’année devait se décrire par un mot : effervescence. Un bouillonnement de rencontres, de découvertes et d’expériences nouvelles. A commencer par être témoin de l’acclimatation éclair de nos loulous, cette rapidité ahurissante avec laquelle ils se sont intégrés, ont noué du lien. Sans compter l’épreuve inédite de voir son aîné attraper la puberté, et assister à sa transition déconcertante vers l’âge adulte, avec son lot de prise d’autonomie, d’affirmation de soi, de heurts et de tensions. Certes nous n’avons pas complètement rebattu les cartes en restant sur le bateau mais ça bouge, avec l’entrée au collège d’Azur, la perte d’emploi de Thomas, les centaines de personnes rencontrées cet été dans des circonstances plus ou moins heureuses. Malgré mes compétences en data, mon cerveau n’est pas équipé pour gérer la volumétrie de données à laquelle nous sommes confrontés. Ça grouille, ça fourmille, ça papillonne.

Une glace chez Angelo plus tard (Spéculoos pour Zéphyr, Fleur d’oranger pour Thomas, Cannelle pour Azur et Banoffee pour moi, je sens la nostalgie des saveurs anglo-saxonnes poindre), la célébration était sommaire et j’ai dû m’éclipser pour prendre le temps de gamberger et d’écrire, plus tard. Une soirée seule, dans une maison prêtée à Saint Vincent de Barbeyragues. A observer le ciel se fissurer avec fracas, tandis qu’au contraire de mon côté je raccommode toutes les parties de ma vie.

A la veille de revoir Sam, Kate, Amalia et Indigo, soit le cinquième cluster d’amis rencontrés en Nouvelle-Zélande, présents à notre fête de départ, et avec qui nous passons du temps cet été, je suis pétrifiée à l’idée que notre vie actuelle et nos petites luttes banales puisse décevoir, mais rassurée que ces quinze années de vie aux antipodes étaient un rêve partagé que l’on n’est pas tenus d’archiver avant d’entamer de nouveaux projets.

One comment

  1. Dear Salome,

    Thanks for your latest thoughts about “boucle est bouclee”.
    Is there perhaps a hint of returning in it?
    It would be nice to see you again.
    I often think about visiting France one more time, but it is probably not in the cards.
    Although my “successful” trip of the river cruise on the Danube this year was encouraging. I would love to do a river cruise again in the south of France, but then I get discouraged by doing it alone.
    Anyway, it is so nice to hear about your escapades once in a while.

    Thanks again and my warmest regards to you, Thomas and the kids.

    Dorte
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