Et dire qu’on a failli loupe ça : les « Welcome to Egypt ! » à tire larigot des passants, le taxi collectif entassant pas moins de dix-huit passagers dans un mini-bus genre Toyota Hiace, l’euphorie Cairote en fin de journée de Ramadan, les boulangeries avec les piles de biscuits divers et varies étalés dans la rue, la majestueuse gare de Ramsis (et ses alentours genre Gare du Nord version amphétaminée), le train de nuit d’un autre temps aux cabines communicantes, la langueur nilotique de Louxor au printemps, les couleurs des fresques millénaires quasi intactes des vallées des rois, des nobles et des artisans, sans parler de la seule merveille du monde antique toujours visible de nos jours : l’imposant Sphinx de Giza défendant paternellement, malgré son nez cassé, les fameuses pyramides de Kheops, Kephren et Mykerinos.











Heureusement, Virginie, second, cambusier, coq et ministre des affaires culturelles sur Girotondo, ne l’entendait pas de cette oreille et avait contacté des agences de tourisme avant notre arrivée à Suez pour maximiser notre passage en Egypte et organiser une excursion mémorable à Louxor avec chauffeur, hôtel quatre étoiles, guides égyptologues francophones et visites des plus jolis sites antiques de la région. Elle a coordonné tout ca avec brio, créant pour l’occasion le groupe Whatsapp qui a donné son nom à ce billet.
Après avoir triomphé de notre partie de 1-2-3- soleil avec le vent sur la Mer Rouge, donc, les enfants ont été ravis de jouer à cache-cache dans les temple de Louxor, Karnak et Hatchepsut, savourer les mille et un délices du buffet du petit déjeuner de l’hôtel Iberotel, et les mezze des différents restaurants bon marché du coin (El Kababgy, Sofra et Al Shahaby Lane), chahuter bruyamment dans la piscine découverte flottant sur le Nil, admirer les peintures des dieux et animaux mythiques, des ciel bleus étoilés, et des pictogrammes mystérieux, apprendre les rudiments de l’alphabet hiéroglyphe grâce à notre troisième guide Mohammed, dit Momo, s’extasier avec lui de la finesse des hauts-reliefs ciselés du couple aux cheveux frisés du tombeau de Ramose, et écouter avidement les histoires de pharaons, notamment du déclin de l’Empire sous Akhenaton, visionnaire ou mécréant monothéiste, c’est selon, et du sacrement de la reine Hatchepsut, beauté fatale représentée en homme avec des oreilles de vache, qui régna pendant plus de vingt ans, et dont le beau-fils Thutmose III et le petit fils Amenhotep n’ont eu de cesse de défigurer toutes les statues et peintures à son effigie après sa mort. Comme quoi sexisme et jalousie ne datent pas d’hier.







En Egypte, nous craignions les filous qui réclameraient des bakchichs pour un oui pour un non et nous en avons rencontré, certes (par exemple dans les temples, où les gardes cordonnaient certaines zones pour nous octroyer comme un privilège le droit d’y pénétrer, ou celui qui a transformé, contre mes protestations, mon paréo en turban dont il m’a coiffée avant de demander son dû, qu’il n’a pas reçu), mais nous avons surtout joui d’une hospitalité phénoménale, avec des hôtes qui avaient le cœur sur la main, nous offraient l’apéro ou le dessert au restaurant, et se pliaient en quatre pour nous aider.
Ainsi l’Univers a été magnanime en exauçant trois de mes prières coup sur coup. La première lors d’une petite virée sur la rive Ouest du Nil que nous avions traversé en felouque avec Arthur pendant que le reste de la troupe visitait le musée de Louxor. Je déplorais alors de n’être pas entrée à l’intérieur d’une maison pour mieux comprendre le quotidien des habitants, et pas plus de dix minutes plus tard, une femme à qui nous demandions notre chemin dans la rue nous attirait chez elle pour nous servir du thé et des biscuits. Et ce meme si elle etait en plein ménage de printemps et préparait les fêtes du lendemain. La deuxième lorsque tout s’est arrangé pour passer le canal le 22 Avril comme prévu et non le 25 sous prétexte que le gouvernement avait décrété deux jours de congés supplémentaires pour célébrer La Eid (fin du ramadan), ce qui aurait gravement chamboulé nos plans d’accueillir ma mère à Chypre où elle arrivait quelques jours plus tard. Et la troisième à mi-parcours de notre transit, à Ismaïlia, où nous nous sommes fait inviter à diner au Yacht Club, maigre dédommagement pour compenser les incompétences d’un pilote qui avait fait talonner Girotondo en leur enjoignant de serrer trop à gauche dans le canal, en dehors des bouées de balisage.








Notre échappée Egyptienne s’est soldée par un retour au Caire et un passage aux pyramides en sortie de train de nuit, à la fraiche, évitant du même coup le soleil aggressif et les hordes touristes qui débarquaient vers dix heures, lorsque nous quittions le site après un petit tour en dromadaire pour les enfants. Bien que couteuse en énergie ainsi qu’en argent (dont on a appris qu’il était, en Egypte ancienne, beaucoup plus précieux que l’or), nous sommes revenus de cette virée, qui coïncidait opportunément avec l’anniversaire de Thomas, éblouis par tant de beauté, d’antiquité, et de monumentalité, avec une nouvelle pelleté de souvenirs immuables plein la caboche.









