Parfois, la rencontre de personnes vous fait voir les choses sous un angle tout à fait nouveau, et des expériences autrefois considérées comme hors de portée deviennent soudain un horizon possible, comme ce fut le cas pour l’ascension du mont Rinjani (le volcan vedette de Lombok et son plus haut sommet à 3 676 m), initialement rejetée pour des raisons financières, logistiques et de manque de forme physique.
Je ne comprendrai jamais ce qui l’a poussé à nous parler ce jour-là, mais après avoir rencontré “Le Blond” (seuls les fans de Gad Elmaleh peuvent comprendre ce concept, je le crains), un Australien d’âge moyen, par ailleurs agréable, s’est approché de notre bateau dans la baie de Medana, nonchalamment perché sur son stand-up paddle board, une main sur la pagaie, l’autre en train de repeigner une mèche de cheveux rebelle, et qui, en cinq minutes, a réduit ce que je considérais comme une expérience unique que j’offrais à mes enfants à une croisière de pauvre, en comparaison avec la liste interminable d’activités merveilleuses dont il avait gâté sa femme et ses trois enfants en naviguant sur son énorme catamaran au cours des sept dernières années. Néanmoins, on peut le remercier pour les nombreux souvenirs que nous avons accumulés lors de notre randonnée de deux jours et une nuit au bord du cratère du Rinjani (2 639 m) à Lombok.



Du séjour luxueux et gratuit à Pondok Senaru la nuit précédant le trek, où nous avons reçu les instructions et les clés de deux bungalows avec salle de bain, construits à flanc de colline à 600 mètres d’altitude et offrant une vue imprenable sur les rizières, les montagnes et l’énorme cascade Tiu Kelep jaillissant de la jungle face à nous, aux repas modestes mais généreux préparés avec soin par nos porteurs pendant la marche, nous avons été choyés à l’extrême et il était bon, pour une fois, de ne pas avoir à penser pendant quelques jours, juste à suivre la marche.
Ce qui avait résolument fait pencher la balance en faveur de la réalisation de la randonnée, malgré l’investissement substantiel requis, était un plaidoyer brillamment articulé par Zéphyr, dont j’avais sollicite l’écriture comme devoir scolaire, qui avait souligné précisément, comme l’un de ses arguments phares, qu’il serait agréable d’avoir de la nourriture préparée pour nous pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner pendant deux jours. (“[…] Le matin, nous nous réveillons de bonne heure et nous allons à la salle à manger,… TADAA ! Un petit-déjeuner indonésien est servi […]”) Ainsi qu’un changement de paysage bien nécessaire apres tant de joursau ras de l’eau, et la construction de l’endurance, pas seulement des connaissances géographiques, à travers notre voyage.

Les pancakes à la banane et le lait concentré sucré du petit-déjeuner nous ont donné l’énergie nécessaire pour attaquer la journée et, à 7 heures du matin, nous avons sauté dans le camion à côté de notre barda et de trois petits Indonésiens pour être déposés à l’entrée du parc national. L’un d’entre eux, Uci (prononcer “Ootchy”), notre guide, s’est excusé pour son faible niveau d’anglais (il est vrai que nous avons acquiescé plus d’une fois à des déclarations que nous n’avions pas entièrement comprises, bien qu’il ait pris des cours d’anglais pour être promu de porteur à guide) et les deux autres, les porteurs, beaucoup moins bavards, ne parlaient pas anglais et nous communiquions principalement par des sourires et des gestes de la main.


Les enfants, étonnamment, ne se sont pas plaints une seule fois et ont sué jusqu’au cratère avec ardeur, tandis que moi, le maillon faible, j’essayais péniblement de convaincre mes jambes de me propulser vers la fin.
Nos porteurs, bien que très petits et menus, affublés de claquettes, et portant une grosse charge sur leurs épaules, tentes, matelas et sacs de couchage d’un côté et matériel de cuisine et provisions dans un panier en fibre naturelle de l’autre, le tout fixé à un bâton de bambou, nous dépassaient facilement après chaque arrêt, devant tout remballer après nous, et préparer le campement et les repas avant notre arrivée.







Nous nous souviendrons, outre le bâtiment d’entrée délabré, le chemin pavé d’emballages de bonbons, de l’expectoration régulière de notre guide, du tabagisme du guide et des porteurs, et du tempeh servi à chaque repas malgré le fait que nous n’aimions pas ça et que nous le laissions tout le temps de côté, Zéphyr fier comme un goupillon de voir son argumentation changer notre destin, Azur mimant la Petite Sirène au cours d’une partie de mime, les abris surélevés des pos 1, 2 et 3 offrant un repos bienvenu, les singes agressifs prêts à nous voler notre nourriture et effrayés par nos prétendues attaques au lance-pierre, le doux gazouillis des oiseaux exotiques insaisissables, le paysage alpin avec les Edelweiss, le brouillard accompagnant la dernière partie de notre ascension nous rafraîchissant avec un timing parfait, les tentes Quechua usées, les trois autres groupes de touristes australiens et allemands qui campaient là-haut avec nous et personne d’autre, les toilettes creusées entourées d’une bâche, les bananes frites saupoudrées de fromage râpé et de chocolat pour le gouter, le dégradé de turquoise à jaune presque fluorescent dû aux minéraux du lac dans le cratère, le jeune volcan, en fait pas si petit, encore fumant à l’intérieur du cratère, la pêche aux nuages et les glissades sur poussière au crépuscule, le salut au soleil à l’aube, les pancakes à l’ananas, les frites maison et le club sandwich pour notre dernier petit-déjeuner, et notre photo de groupe à la fin, où j’ai réalisé à quel point nos porteurs étaient petits.


Point culminant de notre séjour en Indonésie, le Rinjani a comblé nos attentes et même au-delà.
