Bunny-sitting à Darwin

“Oups, les lapins me regardent tout nu” annonce Azur en venant se faufiler dans notre lit pour un petit câlin matinal. Un grand lit rectangulaire avec des draps roses de princesse, où les pieds peuvent dépasser au bout si on glisse, avec de la hauteur sous plafond, parfaite pour les galipettes, et de l’espace tout autour pour s’y allonger ou s’en extraire allègrement.

Et effectivement dans le salon, une paire de lapins nains est sous notre responsabilité, alors que notre hôte est en week-end à Sydney. Après plusieurs mois sur le bateau, quel bonheur de se retrouver dans une maison pour quelques jours!

Nous avons rencontré Sofia vendredi dernier lors d’un pique-nique organisé par la communauté de danseurs de rueda (salsa) de Darwin à Nightcliff. Elle sortait du lot, non seulement par sa taille (1m80 à vue d’oeil), sa beauté (nous avons appris plus tard qu’elle avait été top modèle), et son énergie pétillante. Nous avons discuté un peu, et lorsqu’elle a appris que nous vivions sur un bateau, elle s’est exclamée que c’est l’univers qui nous mettait sur son chemin puisque le matin-même, sa fille Lulu, trois ans, lui réclamait d’aller sur un bateau. Elle nous a donc embarqué dans sa voiture à la nuit tombée (ça tombait pile poil puisque nous cherchions quelqu’un pour nous ramener), et après une brève escale chez elle pour faire connaissance avec ses lapins et récupérer une bouteille de vin, nous nous sommes rendus sur Obelix. Sofia était étourdie par les mouvements du bateau, du coup nous nous sommes allongés sur le pont pour regarder les étoiles, notamment notre nouvelle constellation favorite: le scorpion, avec sa jolie queue en spirale.

Le dimanche soir nous avons retrouvé Sofia au Mindil Beach Sunset Market, où elle chantait à l’occasion du festival des couleurs et nous avons planifié une virée au Litchfield Park pour la semaine suivante.

Nous étions censés y camper mais le sort en a voulu autrement. Nous étions au trou d’eau de Buley Rockhole, notre dernière escale de la journée avant de monter la tente au camping de Florence falls, à faire des démonstrations de plongeons et sauts périlleux pour les autres touristes qui flottaient paisiblement sur leur nouilles en plastique, lorsque le spectacle a viré au film d’horreur quand Thomas est ressorti le visage ensanglanté, il s’était ouvert le visage contre des rochers avec l’élan de son plongeon de trois mètres. Une infirmière qui avait sa trousse de premiers secours l’a vite pris sous sa coupe, et l’a enturbanné avec une bande de compression puis nous avons filé aux urgences de Palmerston. Bilan: vingt-trois points de sutures répartis sur quatre plaies au front, arcades sourcilière et nez, plus quelques égratignures au niveau de la lèvre.

Leçon #1: Toujours évaluer les risques avant de plonger dans un trou d’eau pour faire le beau.

Pendant qu’il se faisait soigner par des médecins très gentils, dont l’un avait étudié à Lyon et était ravi de pratiquer son français, je cherchais un endroit où passer la nuit car il était hors de question de retourner au parc pour camper. Nous avons donc atterri à deux pas de l’hôpital, dans une cabine familiale au Darwin Free Spirit resort. Vu notre état de fatigue, au matin nous avons prolongé notre séjour d’une nuit pour profiter encore des draps blancs tout doux tout propres, de la clim, des douches, de la piscine et du château gonflable.

Ca ne nous a pas empêché de retourner au Litchfield Park et y retrouver Sofia qui elle aussi avait eu une journée mouvementée la veille. Les Florence falls étaient bondées, en revanche l’orage et la pluie de l’apres-midi avait fait fuir presque tout le monde aux Wangi falls et nous avons eu cet endroit paradisiaque pour nous. Et de fil en aiguille, Sofia nous a proposé de nous laisser sa maison et sa voiture pendant le week-end, ce qui tombait bien car Azur s’inquiétait de qui allait nourrir les lapins en son absence.

Avant de revenir à Darwin, de notre resort nous avons fait un détour pour une brève croisière sur la rivière Adelaide pour aller voir de plus près crocodiles, milans noirs et milans siffleurs, et au retour avons même observé un petit varan qui se dandinait sur les berges. Lors de cette excursion très instructive, nous avons appris que la vie de crocodile est loin d’être enviable, et que leur cerveau reptilien ne les rend pas très fute-futes. En effet, les jeunes crocodiles de moins de 2 mètres n’ont qu’une chance sur cent de devenir adulte, car pour tous les autres ils représentent des vivres fraiches dans leur garde-manger. De même, lorsqu’ils s’accouplent, les mâles peuvent oublier ce qu’ils sont en train de faire et ce qui commence par une partie de jambe en l’air peut se terminer par un festin saveur crocodile femelle. D’autre part, chaque tronçon de rivière est le territoire d’un mâle dominant qui le défend corps et âme jusqu’à en perdre des membres, le cas de Stumpy, un des crocodiles qui s’est approché du bateau et à qui il ne restait qu’une patte. Si bien qu’aussitôt arrivé à l’âge adulte, les jeunes mâles sont exclus du clan et doivent se trouver leur territoire propre, en détrônant un “ancien” devenu trop vieux et trop faible. S’ils faillissent, ils peuvent se retrouver rejetés jusqu’à l’estuaire, d’où les panneaux de mise en garde omni-présents sur le bord de mer.

Notre séjour à terre a déja été bénéfique puisque nous avons pu nous reposer (je crois que Thomas est le premier surpris de l’impact de son accident sur son besoin de sommeil), faire travailler les enfants sur leur programme de Te Kura, laver tout notre linge sale, faire des courses, acheter de nouvelles mousses pour le cockpit et explorer les environs sans galérer à trouver un taxi ou louer des scooter électriques qui s’arrêtent intempestivement lorsque nous sortons de la zone autorisée (Lac Alexander et wallabies à East Pointpar exemple). Zéphyr a aussi appris à jouer la mélodie de démo du synthétiseur (main droite) et je suis sortie trois soirs de suite pour aller danser la salsa, bachata, kizomba et même le tango, hier soir, observant avec envie les danseurs de swing, car le DJ alternait tous ces styles de danse, en l’honneur de Nina, l’organisatrice, dont c’était l’anniversaire, et qui les dansait toutes. Sans compter que ca nous a épargné de multiples allers-retours plage-bateau en annexe, un périple d’une demi-heure au bas mot vu l’amplitude des marées (6m) qui nous a fait ancrer Obelix à petaouchnok dans Fannie Bay.

Quel don du ciel d’avoir rencontré Sofia si tôt dans notre séjour!

Leçon #2: Lorsqu’on arrive dans un nouvel endroit, se faire des amis le plus vite possible, le meilleur moyen pour en profiter au max.

Un petit mot sur Darwin pour finir, outre le fait que cette ville ne survit que par la grâce de l’air conditionné et qu’il y règne une atmosphère post-apocalyptique entre 10h le matin et 16h l’après-midi à cause de la chaleur accablante qui force tout le monde à rester chez soi, aller à la piscine, ou faire les magasins – tous climatisés, on se sent dans un zoo où les portes auraient été laissées ouvertes, avec des ibis et des paons qui se baladent devant chez “nous”, des perroquets et des cacatoès qui volent librement emplissant l’air de leurs cris stridents, les grandes roussettes qui pendouillent des arbres, des wallabies qui viennent brouter dans les parcs à la tombée de la nuit, des geckos et autres lézards qui jonchent murs et trottoirs, et les signes attention crocodiles plantés sur toutes les plages naturelles (un lagon artificiel a été construit au centre-ville pour dire qu’on peut quand même se baigner dans la mer à Darwin en toute sécurité). D’ici trois semaines, la saison pluvieuse commencera et transformera ce désert en une oasis de verdure tropicale , s’accompagnant d’inondations, difficile à croire lorsque tous les ruisseaux rencontrés sur la route étaient à sec…

Maintenant nous attendons que Thomas soit bien remis et que la météo soit favorable pour traverser vers l’Indonésie.

Published by Salome

Sailing, parenting, writing, dancing, and op-shopping around the world.

6 thoughts on “Bunny-sitting à Darwin

  1. Ah ben bravo ! 23 points de suture… La crème magique anti cicatrices de Salomé va pouvoir être mise à profit 🙂 D’ailleurs, Salomé, ta cicatrice de winch sur le coin de la figure ça fait petite joueuse par rapport à Thomas.
    Profitez bien et bonne prochaine nav !

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  2. eh bien, que d’aventures ! entre les crocodiles et les lapins nains, les plongeons et les danses, les amis et la vie…..et les câlins

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  3. Après Corto, il va ressembler à qui notre Thomas ?
    Tous ces miles pour la leçon #1 que Jason a apprise dans le Tarn !

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  4. J’y ai pensé… C’est vrai qu’il y a des similitudes même si moi mon accident dans le Tarn était de moindre mesure. Il s’est fait en plongeant mais après une brasse coulée… Thomas j’espère que tu t’en remets bien ?! 😉 Grosse bise aux aventureux téméraires !!!!!!

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