Parfum de Sicile

Même si le détour doit être bref, je tiens mordicus à passer par Taormina, d’abord parce qu’il serait criminel de ne pas fouler le sol Sicilien, mais aussi parce que le nom de cette ville, que je n’ai jamais visitée, me fait rêver depuis le visionnage du Grand Bleu. De Bova Marina, nous faisons donc cap plein Ouest.

Aborder la baie de Taormina a quelque chose d’étourdissant car la baie est immense et qu’il est difficile, même avec l’aide précieuse de Navily (app collaborative recensant les mouillages de méditerranée avec moultes informations et commentaires de plaisanciers), de savoir où s’ancrer qui soit à la fois autorisé (min. 300m de la plage) et pratique pour débarquer à terre, mais aussi parce qu’on la partage avec un nombre ahurissant de super – voire méga – yachts, à nous faire spéculer qu’il doit se tramer un G8 des malfrats dans le coin.

Subissant la canicule, nous restons à bord, ou dans l’eau, jusqu’en fin d’après-midi puis partons à la découverte du front de mer, suivant notre instinct dans ce décor insolite et contrasté, entre la majestuosité de la baie, et de la colline à laquelle est suspendue la ville de Taormina, et les façades pas rénovées depuis les années 70 avec climatiseurs apparents et mosaïques douteuses, tout ça sur bande-son bruyante de voitures, vespa et sirènes de pompier ou d’ambulance qui sévissent jour et nuit. Une fois, le soleil bas sur l’horizon, il fait bon vivre dans les rues de Naxos et nous ne résistons pas à l’appel des pizzes pour célébrer notre arrivée en Sicile, ni à celui de la crème glacée servie à la spatule et sommes conquis par le Profumo di Sicilia qui marie fraicheur du citron, crèmeux de l’amande et morceaux de pistache croquants, le tout relevé par une note de cannelle.

Le lendemain, malgré la chaleur, nous partons pour la journée, nous balader dans les rues de Taormina. Nous découvrons la Trinacria, emblème de la sicile avec son visage de femme avec une paire d’ailes à la place des oreilles, des serpents en guise de cheveux et un triskèle de jambes fléchies autour, que l’on aperçoit à tous les coins de rues, et sur les enseignes de la plupart des commerces. Autre symbole omniprésent dans les vitrines, cours et balcons de la ville, la Testa di Moro (aussi appelée « Grasta »), vase en porcelaine représentant une tête de Maure (souvent accompagne de sa belle), dont la légende sordide veut qu’une jeune sicilienne séduite par un voyageur Maure, lorsqu’elle découvrit qu’il menait une double-vie, lui aurait coupé la tête pour s’en faire un vase et y cultiver du basilic qu’elle arrosait de ses larmes.

Les touristes sont nombreux et la vue de la place du IX avril ne porte pas jusqu’à l’Etna, caché derrière la brume, cependant la grâce de la ville est à la hauteur de nos attentes. Nous apprécions son ambiance colorée, ses petites ruelles labyrinthiques, la verdure de ses  jardins publiques, où nous trouvons un peu de fraicheur à côté d’un couple d’anges en bronze qui s’étreint sur un banc pour l’éternité, et ses bâtiments historiques, notamment le Duomo, où nous nous recueillons devant l’icône au cadre d’argent incrusté de pierres semi-précieuses, et devant le bas-relief de la Cène dont l’expression de mésentente voire d’accusation des apôtres rend Azur perplexe, et que je ne suis pas en mesure d’expliquer (appelant ma bonne amie Ariane à la rescousse, qui me renvoit au passage de la Bible ou Jésus annonce qu’il va être trahi par l’un deux).

Nous y savourons également les arancini (boulette de riz farcies et frites), ainsi que les combos granite et brioche que les habitants dégustent, parait-il, au petit déjeuner, mais que nous préférons en goûter. En revanche, le gout d’huile rance d’un canelli pas frais nous fait regretter notre passage à la dernière boulangerie tape-à-l’œil à l’entrée du Corso Umberto.

Pas le temps de s’appesantir car une fenêtre météo se présente pour traverser le détroit de Messine et nous filons donc à Scilla, pour deux petites nuits, juste le temps de faire des ricochets sur la plage, comme à l’accoutumée, flâner dans les rues escarpées, poser devant la statue de Scilla, jouer avec le soleil couchant, et s’émouvoir devant des espadons fraichement péchés (spécialité locale) et reposant tristement dans le coffre d’une voiture, avant de continuer vers les iles éoliennes.

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