Beauté volée à Santorin

Partie I : Overdose de touristes

On nous avait prévenus que Santorin n’était pas une destination facile à la voile, mais ce qui est encore plus embêtant, c’est que c’est terriblement surpeuplé ! Pas notre truc, donc, et nous aurions évité cette île si elle n’avait pas un aéroport stratégiquement situé au milieu des Cyclades, et sans un brin de curiosité, désireux d’évaluer par nous-mêmes ses paysages mondialement connus (et de pouvoir comprendre l’engouement général pour Santorin).

En arrivant par la mer, on se sent définitivement écrasé par les falaises de 300 mètres de haut qui forment le bord du cratère, en couches horizontales de terre de toutes les nuances, et par les villages blancs au sommet qui nous font croire à des calottes de neige au sommet de montagnes, le tout formant un spectacle époustouflant comme nous n’en avons jamais vu auparavant.

C’est à la fois exaltant et déconcertant car, à en juger par le nombre de bateaux qui sillonnent déjà la baie, nous comprenons maintenant pourquoi il est si difficile de trouver un mouillage convenable par ici. Soit il sera agité (avec les allées et venues des bateaux commerciaux) et coûteux de s’amarrer près des quelques points d’accès principaux, soit il sera éloigné et houleux à l’extérieur de la caldeira.

Finalement ancrés à Akrotiri, un petit village de pêcheurs dans le sud de l’île, relativement calme bien qu’agité, et toujours entourés d’une trentaine de bateaux, nous passons l’après-midi avec mon oncle Dominique, qui, après avoir passé des vacances dans plusieurs endroits que nous avons visités au cours de l’année passée, se trouve en vacances dans les iles grecques, pour une fois avec un timing impeccable. Il vient nous chercher à la plage de la caldeira rouge avec sa voiture de location pour une promenade dans le village de Thera (alias Fira) où nous nous jouons des coudes dans les rues étroites et les escaliers parmi les visiteurs de toutes nationalités (dont nos amis slovènes Staša et Borjan), ainsi que les ânes, et dînons tôt à la terrasse d’une taverne, dans l’espoir d’assister au coucher de soleil vanté de Santorin, malheureusement caché par la brume de chaleur.

Un dernier verre sur le bateau et nous nous disons au-revoir, nous couchant tôt après une longue journée dans cette destination extrêmement achalandée, nous laissant réfléchir au paradoxe désastreux du tourisme de masse, qui semble gâcher l’essence même qui nous a poussés à visiter l’île en premier lieu.

Partie II : Hors des sentiers battus

Lorsque je reviens cinq jours plus tard avec papa, après la célébration de PACS de mon frère, Thomas et les enfants ont passé leur temps à réparer Obélix et à le relocaliser à Perissa, un autre village côtier avec une plage de sable noir.

Nous sommes accueillis par la traditionnelle bannière colorée brandie par Zéphyr et Azur et nous partons en bus, nous arrêtant à Thera, pour y admirer la vue et y prendre un gouter. Nous pensons d’abord prendre un verre au très chic Kaliya, avec son séduisant (et ultra-instagrammable) plafond tapissé de bougainvillées, mais son menu onéreux (cocktails allant de 14 à 230 euros, et bouteilles de vin jusqu’à 860) nous dissuade de nous attarder et nous nous contentons d’un café frappé, de crèmes glacées et d’un friand au fromage au café libre-service plus décontracté situé au rez-de-chaussée.

Lorsque nous atteignons Obélix et que Papa palit après quelques minutes en raison de la houle malvenue, nous convenons rapidement de laisser le bateau faire son rodéo seul pour dîner à terre. Nous commandons une sélection de mezze grecs, dont l’appétissant bougiourdi (composé de feta cuite, de kasseri, de tomates et de poivrons assaisonnés d’ail, d’origan et d’huile d’olive) dans une taverne familiale située sur la plage, où un duo de mandoline et de guitare assure une bande-son folklorique dans le ton.

Le vent nous oblige à prolonger notre séjour à Santorin de quelques nuits, et malgré les principaux villages noyés sous le tourisme de masse (Thera et Oia), nous parvenons à échapper à la foule dans les sites moins connus et à randonner pratiquement seuls entre Perissa et Kamari, à visiter la seule source d’eau douce de l’île (ridiculement insuffisante pour ses besoins actuels, et donc complétée par la collecte de l’eau de pluie en hiver, mais surtout par des usines de dessalination pour faire face a l’assaut du tourisme) et y déjeunons sans rencontrer âme qui vive, sautons dans l’eau d’une falaise (dont l’accès est contesté par une équipe de télévision qui tourne une publicité ce jour-là), courons à travers un éboulis de pierres ponces et enfin nous baignons dans des sources prétendument chaudes mais plutôt tièdes le dernier matin, en route pour Folegandros.

Comme le dit Staša, il y a deux types d’îles grecques, celles qui ont un aéroport et celles qui n’en ont pas. Ayant un goût prononcé pour les endroits isolés au charme authentique, nous privilégions naturellement ces dernières, mais n’avons pas (trop) à nous plaindre de notre expérience à Santorin après tout.

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